Tandis que la violence politique progresse dans de très nombreuses démocraties occidentales dont la France, les Etats-Unis franchissent un nouveau seuil avec la tentative d’assassinat sur le candidat Trump. L’illibéralisme, les menaces -verbale ou physique – l’intimidation, les caricatures jusqu’à l’absurde, le viol de l’intimité, les mensonges, rien n’épargnera donc cette grande démocratie jusqu’à la tentative de se débarrasser d’un adversaire par le meurtre. Même si le mobile est pour l’heure inconnu, on pourrait considérer tout cela comme très exotique indépendamment de la condamnation sans appel, parce que c’est lointain, parce que la NRA veille au grain pour maintenir toutes les catégories d’armes en vente libre, parce que la violence politique depuis 1776 est devenu un mythe facile derrière lequel se réfugier depuis l’élimination des Indiens d’Amérique jusqu’au racisme constitutionnel tardivement abrogé par le Civil Right Act de 1963. On oublierait que le premier ministre slovaque, Robert Fico, lui aussi illibéral sur le modèle d’Orban en Hongrie, a été grièvement blessé il y a peu par une tentative d’homicide. Plus près de nous, la montée des radicalités politiques, s’accompagne de propos violents, de bousculades, d’interdictions à manifester, à discuter librement quand ce n’est pas de purges sans procès dans des organisations antidémocratiques rappelant les heures les plus sombres du XXe siècle lorsque le stalinisme était encore tout puissant.
Derrière le haut le cœur, il faut sans cesse rappeler la fragilité de la démocratie, l’utilité du compromis lorsqu’il permet de faire avancer collectivement une société et de représenter ses sensibilités du moment que ses valeurs fondamentales et universelles demeurent. Pierre Mendès-France rappelait que la démocratie ne se limitait à une votation citoyenne récurrente mais qu’elle impliquait également des valeurs, des codes moraux, une acceptation de l’autre pour débattre et se confronter, débarrassée du sentiment haineux, sans quoi elle était en mesure d’enfanter des monstres. L’épisode américain reste à distance mais on aurait tort de le négliger comme un énième accident de circonstance. Désormais, Donal Trump va naturellement se présenter comme le héros christique de la démocratie américaine face à un vieil homme en bout de course, perdant fréquemment la tête. Si les gauches américaines, réunies dans le Parti Démocrate veulent encore maintenir la moindre chance de l’emporter, il est urgent de débrancher l’actuel président Biden et d’y substituer – tardivement- un(e) remplaçant(e). Sans cela, il y a fort à parier que l’assassin de Pennsylvanie n’aura pas seulement mis en danger la vie d’un homme en commettant un crime. Raison de plus pour qu’en France, la gauche responsable ne cède pas aux oukases et intimidations, en se montrant disponible à la constitution d’un gouvernement progressiste de compromis autour de quelques priorités pratiques pour améliorer le sort du plus grand nombre. Ajouter la crise à la crise dans une période de fortes tensions, ne servirait que les dessins des partisans du chaos.