La seule possibilité qu’Aya Nakamura puisse entonner l’Hymne à l’Amour de Piaf à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris, soulève l’indignation de la galaxie des haineux. C’en est trop d’une femme noire à la double nationalité franco-malienne. Les sondages les plus récents indiquant que 49% des français désapprouvent, indiquant le degré de contamination de la population française aux thèses racistes. Il n’y aurait rien de pire que de le nier ou de refuser de le voir.
Non, le vote en conscience pour les écuries de l’extrême-droite française ne se résume pas aux seules souffrances sociales et à l’inflation gangrénant le pouvoir d’achat. Non, les gauches auraient tort de ne considérer l’enracinement du vote pour Le Pen, Maréchal, Mariani, Dupont-Aignan comme la seule expression d’un désarroi populaire face à une classe politique hors sol tandis que 13% de la population vivent désormais en-dessous du seuil de pauvreté. Les maux sociaux sont légions, les services publics sont en panne et l’arrogance du pouvoir n’arrange évidemment rien à une époque où la place des communicants l’emporte parfois sur le message délivré. Mais non, ce n’est pas ce qui guide la population d’Orange, de la Côte d’Azur ou du Vaucluse à voter massivement pour une droite pétainiste tout à fait assumée. D’abord parce que les plus en souffrance ne vont plus aux urnes mais aussi et surtout parce que l’on réduirait une fois encore le vote Lepéniste à un vote protestataire de mécontents à qui il suffirait d’apporter des solutions en matière économique afin qu’ils reviennent dans le giron républicain. Une fable.
Il existe dans ce pays, une longue filiation extrémiste de droite assumée comme il existe un enracinement antisémite de l’affaire Dreyfus, en passant par Vichy jusqu’à Dieudonné, Soral et consorts. Que ce ne soit pas les mêmes cibles et les mêmes publics n’y change rien. La racine du mal est un dénominateur haineux qui échappe pour partie aux contraintes économiques et relève de la pure idéologie. Non, à 40% dans les sondages et après un enracinement de près de cinq décennies, le vote pour l’extrême-droite n’est pas seulement protestataire mais aussi un vote d’adhésion. Eux-mêmes le savent et le reconnaître n’est en rien aveu de défaite pour l’avenir mais un constat lucide.
La lutte contre cette hydre à plusieurs visages se combat donc aussi sur le plan idéologique, même si ce n’est pas populaire et que cela rapporte peu. Endiguer l’extrême-droite pour la faire reculer dans un second temps, c’est aussi rappeler ce qu’est notre identité républicaine, ce qui nous rattache à la déclaration des Droits de l’Homme dans le préambule de notre constitution et ce qui fonde la nation comme projet républicain dans la foulée de 1789. Car c’est bien de cela dont il s’agit avec la fureur des propos racistes qui se déversent contre cette artiste aux millions d’albums vendus. A travers elle, il s’agit de rejeter des millions de jeunes gens issus des quartiers dont le seul tort est de relever d’une mixité géographique et humaine parce que leur taux de mélanine est supérieur à celle de l’Europe blanche exaltée par Poutine et Zemmour. A le minimiser, à le mettre sous le tapis, on néglige une des dimensions premières des courants nationalistes, sa dimension raciste ou racialiste qui n’exclue en rien son programme économique. Il y a bien une idéologie répugnante qui conduit l’Afd allemande à un plan de « remigration » pour les allemands qui ne seraient pas de « souche », la galaxie identitaire française à se photographier pour rappeler que Paris n’est pas Bamako, à Vox la formation franquiste en Espagne à encourager les embardées racistes contre les travailleurs saisonniers marocains tout en en tirant bénéfice sans les déclarer.
Nous ne sommes pas qualifiés pour porter le moindre jugement sur la musique d’Aya Nakamura. L’âge est passé par là mais l’on aurait tort de déporter la question sur un plan artistique. Ce qui est en cause est ailleurs. Le défunt Bernard Tapis, dont les rapports avec la gauche n’étaient ni des plus simples ni des plus honnêtes, s’était attiré les foudres en déclarant au cœur des années 90 que les « électeurs de Le Pen sont des salauds ». Un peu court ? Peut-être mais pas moins que de prétendre que les duretés économiques conduisent toutes au RN.